L’histoire tumultueuse du Pont-l’Évêque

De l’Angelot au Pont-Chaillier

Symbole normand d’aujourd’hui, le Pont-l’Évêque est en réalité l’aboutissement d’une lente évolution : du Moyen Âge où l’angelot n’était encore qu’une monnaie fromagère indistincte, aux formes disparates des fermes augeronnes, jusqu’au rebaptême révolutionnaire en Pont-Chalier puis à la codification moderne sous AOC, ce fromage a successivement changé de nom, de lait, de forme et de statut. Jean Froc en déroule ici l’histoire au plus près des sources.

Pont-l’Évêque, fromage emblématique normand. (Photo Rodolphe Corbin © Patrimoine Normand)

Du nom, au lait et à la forme du fromage

La différenciation que nous connaissons aujourd’hui — tant dans la dénomination des fromages que dans l’origine du lait qui servait à les confectionner — est une démarche récente. Elle est due aux règlements commerciaux contemporains, notamment liés à la grande circulation des produits. Mais déjà, avant même le siècle passé, l’amélioration et le développement de la production laitière ont entraîné un début de spécialisation, fondée sur une espèce, une zonation des pratiques et, corrélativement, une spécificité des produits. Ainsi, de nos jours, évoquer le Pont-l’Évêque, c’est implicitement penser à la Normandie et au lait de vache, même si celui-ci n’est plus toujours du lait de race normande.

Évidemment, il n’en a pas toujours été ainsi. Il y a six à huit siècles, la Normandie était en partie marécageuse, la production agricole faible et, surtout, la région était trop peuplée pour disposer, dans ces conditions, de vastes herbages. Les grandes abbayes et seigneuries manquaient de produits alimentaires pour leurs besoins et ceux des populations qu’elles avaient à charge. On fabriquait bien çà et là du fromage, mais était-il de vache ou de brebis ? Probablement des deux à la fois, la brebis étant très présente en Europe du Nord.

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